Liberté partout dans le monde!
L'auto-détermination nationale comme un des « droits de l'homme et du citoyen »

Llyod S. Kramer a justement écrit à propos de La Fayette : «  Il n'est pas de personnage qui fut mêlé plus longtemps et plus intensément à la séquence de révolutions patriotiques qui, partie d'Amérique du Nord (dans les années 1770), essaima en France (1789), en Amérique du Sud, en Espagne et en Grèce (dans les années 1820), à nouveau en France, et en Belgique (en 1830), et finalement en Pologne (1831-1833) - sans parler d'autres mouvements nationaux en Irlande, en Suisse, en Italie, ou en Allemagne. La Fayette fit le lien entre les acteurs et les événements ».

Guerrier turc sur les ruines de la Grèce, 1822. Gravure d'Auguste Raffet pour les Œuvres complètes de P. J. de Béranger. Éd. illustrée par Grandville et Raffet. Paris: H. Fournier aîné [etc.] 1837.
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Sous la domination ottomane, la Grèce languissait dans l'obscurité et le sous-développement, jusqu'à la victorieuse guerre d'indépendance nationale (1821-1832) - une cause pour laquelle s'engagèrent entre autres Chateaubriand, Hugo, Delacroix (dont les « Turcs sanguinaires » rappellent celui de Raffet), Byron, Turner, mais aussi le très populaire Pierre-Jean de Béranger. Il était l'auteur d'une chanson sur La Fayette, « L'Homme des Deux Mondes » (1824) ; le général se trouvait alors aux États-Unis, où il leva des fonds destinés à acheter un bateau pour les Grecs.

Emma Hart Willard, lettre à La Fayette, Troy, New York, 1er mai 1833.
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En 1821, la militante des droits des femmes Emma Hart Willard (1787-1870) fonda une "Female Seminary", sorte d'école normale à Troy, dans l'état de New York : plus de deux cent institutrices y reçurent une formation professionnelle. Elle avait le projet de créer une institution jumelle à Athènes, en Grèce : "Il est, disait-elle, de notre devoir de Chrétiens d'instruire cette race si douée, mais maintenue dans l'ignorance [par les Turcs]. En outre, nous devons tant à la Grèce antique : c'est maintenant la Grèce moderne qui demande notre assistance ! ». La Fayette soutenait cette entreprise.

James Fennimore Cooper, lettre à La Fayette, Paris, 10 juillet 1831.
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À la fin du XVIIIe siècle, les grandes puissances de l'Est européen (Autriche, Prusse et Russie) avaient dépecé la Pologne, mais le sentiment national restait fort, et les émigrés polonais avaient le soutien de nombreux représentants des élites cultivées, en particulier en France. Dans cette lettre, l'auteur du Dernier des Mohicans, familier de La Grange où il avait même sa chambre et sa bibliothèque, informe La Fayette d'un fundraising organisé rue de Richelieu par la communauté américaine de Paris. Il lui demande de transmettre l'argent collecté aux autorités polonaises en exil.

Médaille frappée par le Comité Polonais de Paris en l'honneur de La Fayette, après sa mort, 1834.
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Touché par la tragédie nationale polonaise depuis sa fraternité d'armes en Amérique avec Kosciusko et Pulaski, La Fayette avait été un des principaux bienfaiteurs de la Biblioteka Polska w Parizu, aujourd'hui encore l'un des plus importants centres culturels polonais en dehors de Pologne.

William Carpenter, The Rights of Nations, The Reformer's Library, Londres, 1832. Exemplaire de La Fayette, avec une dédicace de l'auteur « au patriarche des libertés des deux mondes ».
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Le journaliste anglais William Carpenter (1797-1824) était l'ennemi juré de la royauté et des aristocraties. Une de ses bêtes noires était le roi d'Espagne Ferdinand VII, rétabli sur le trône (comme les Bourbons de France) par les Alliés, en 1814. Non seulement Ferdinand VII rejetait toute limitation constitutionnelle à son pouvoir, mais il tentait de faire obstacle aux mouvements d'indépendance des colonies espagnoles en Amérique du Sud. Dans la hiérarchie des espèces imaginée par Carpenter, le souverain se retrouve comme il se doit entre « la Bête » (un singe) et « l'Homme » par excellence, ou philosophe (sous les traits de Jeremy Bentham). Cet humour politique est contemporain de la vogue de la phrénologie, mais aussi des théories de l'évolution de Lamarck. Il est compromis par une désagréable notation raciste (Ferdinand a en effet « l'angle facial d'un Nègre »).

Portrait de Bolívar, vers 1825.
Collection privée du Professeur Maria-Antonia Garcés.
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En 1804 La Fayette avait accueilli à Paris des réfugiés politiques d'Amérique du Sud, ce qui - joint à son prestige, lui assura des connections durables dans cette partie du monde. En 1821, Rivadavia, futur premier président de la république argentine, lui apprit - dans une lettre rédigée en français, et conservée à Cornell - que les troupes portugaises étaient en train de quitter Montevideo, et que le général San Martin s'apprêtait à faire son entrée triomphale dans Lima pour y proclamer l'indépendance du Pérou. Un autre de ses anciens protégés, Bolívar, fut dirigeant de la « Grande Colombie », et la Bolivie fut ainsi nommée en son honneur en 1825. La Fayette était informé des tendances dictatoriales du « nouveau Washington », de par sa correspondance avec le général Henry « Lafayette » Ducoudray-Holstein, mais il choisit apparemment de les ignorer.

Willard, carte de l'Amérique du Sud, vers 1820.
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